Pour ce qui concerne leur vie personnelle – notre vie personnelle – cette élection présidentielle place les lesbiennes, les gays, les bis et les trans' devant un choix on ne peut plus clair. D'un côté, un candidat s'est clairement engagé pour faire avancer considérablement nos droits, de l'autre son adversaire maintiendra au mieux un statu quo, qui s'il n'est pas ridicule en comparaison à des pays où les homos et les trans' sont persécuté-e-s au nom de la loi, n'en demeure pas moins honteux, en 2012, pour un pays comme le nôtre.
Pire, en s'aventurant sur les terres du Front national ou en laissant la belle vie à des candidats d'extrême droite en son sein, le président sortant, Nicolas Sarkozy, puisque c'est bien de lui qu'il s'agit, amorce le spectre d'une régression. Aujourd'hui, l'extrême droite demande peut-être comme gage aux candidats de lutter contre l'immigration des musulmans. Demain, elle demandera des gages sur les autres minorités. Soyons certains que les homos, les bis et les trans' n'auront pas à attendre leur tour bien longtemps.
Pour autant, il serait naïf de croire qu'une fois François Hollande élu, ce dernier et son gouvernement satisferaient à l'intégralité des revendications LGBT dès les premiers jours du quinquennat. Mais l'engagement répété – presque martelé – pour l'égalité tout au long de la campagne par l'ancien Premier secrétaire du PS mérite qu'on lui accorde un minimum de confiance. À charge ensuite aux associations LGBT de travailler avec le pouvoir pour améliorer d'éventuelles propositions de loi ou faire avancer d'autres revendications. On pense à la Gestation pour autrui, par exemple, sur laquelle le PS est encore réticent.
RACOLAGE ÉLECTORAL SUR NOTRE DOS
Nicolas Sarkozy, lui, non content de reculer sur le sujet par rapport à 2007, où il promettait une union civile, semble désormais décidé à faire du racolage électoral sur notre dos (lire Nicolas Sarkozy va-t-il utiliser son opposition au «mariage homosexuel» pour draguer les électeurs du FN?). N'a-t-il pas d'ailleurs cette année comme il y a cinq ans échangé le 1% d'électeurs potentiels de Christine Boutin contre la promesse de ne pas accorder le mariage aux couples de même sexe? Deux signes ne trompent pas sur l'enjeu de cette élection. Premièrement, les homos de l'UMP, regroupés au sein de Gaylib, n'ont pas appelé à voter pour le candidat de leur parti, alors qu'ils en étaient des soutiens enthousiastes lors de la précédente échéance. Deuxièmement, nombre d'associations LGBT habituellement très réticentes à s'engager pour un candidat ont cette fois-ci clairement appelé à prendre parti pour François Hollande ou à «faire barrage à Nicolas Sarkozy».
FAIRE AVANCER LA SOCIÉTÉ
Certains diront qu'on n'élit pas un président parce qu'il va faire avancer les droits ou les intérêts de tel ou tel groupe, mais pour sa vision de la société. Précisément, pourra-t-on répondre. Parce que demander l'égalité entre homos et hétéros, vouloir améliorer les droits et la vie des trans', n'est pas s'intéresser qu'à des intérêts particuliers: c'est vouloir faire avancer la société dans son ensemble.
Au cours de ces dernières semaines, le candidat de l'UMP n'a eu de cesse d'opposer vrai et faux travail, vrais et faux Français (pour ces derniers, comprenez surtout les «musulmans d'apparence», selon sa propre formule), vraies ou fausses familles et même vraie et fausse viande! En pointant du doigt certaines catégories de la population, Nicolas Sarkozy espère complaire à d'autres. C'est oublier un peu vite que les LGBT (et les autres minorités) font partie intégrante de la société française. Améliorer leurs droits c'est promouvoir une société plus égalitaire, où chacun-e certes peut vivre la vie qu'il ou elle souhaite, mais en étant traité-e par l'État de la même manière que son voisin ou sa voisine. François Hollande l'a bien compris, lui qui avait fait de l'égalité le leitmotiv de son clip de campagne pour le premier tour.
MODÈLE DE VIVRE-ENSEMBLE
Pour cette raison, la campagne d'extrême droite que mène actuellement Nicolas Sarkozy ne nous semble pas refléter le modèle de vivre-ensemble que notre expérience de la vie en tant que gays, lesbiennes, bi ou trans', nous tend à particulièrement souhaiter. Le discours de François Hollande constitue un point de départ nettement plus intéressant vers une société meilleure, où les citoyens pourront affronter leur avenir ensemble plutôt que renfermés chez eux ou ancrés à leur certitude de valoir mieux que leur voisin, que ce dernier soit chômeur, immigré ou gay, lesbienne ou trans'. L'égalité peut devenir plus qu'un mot sur les frontons des bâtiments publics pour peu que chacun-e d'entre nous s'en saisisse. À commencer par le 6 mai prochain.
Xavier Héraud , cofondateur de http://yagg.com/