Dans l'édition de ce vendredi 14 septembre 2012
“Madame, je vous demande de mettre en place l’égalité des droits pour tous les couples, sans exception”. C’est le message qu’a porté hier l’Inter-LGBT au cabinet de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, échauffée par les déclarations de cette dernière dans le journal La Croix. Dans cette interview accordée au quotidien, la ministre annonce que l’article 144 du code civil sera bientôt modifié, étendant ainsi le droit au mariage et à l’adoption aux couples de même sexe.
Une mise en pratique très attendue de l’engagement 31 de François Hollande. Jusque-là tout va bien. Ce qui coince un peu, c’est le rétropédalage du gouvernement en matière de droit à la procréation médicalement assistée (PMA). Et c’est là que les associations de défense des droits gays, lesbiens, bi et trans (LGBT) montent au créneau.
Rétropédalage
L’ouverture de la PMA aux couples de même sexe ne fera pas partie du périmètre du projet de loi, Christiane Taubira l’a annoncé dans La Croix. Ce qui fait bondir Les Bascos, l’association LGBT biarrote qui tient à rappeler que “pendant la campagne présidentielle, François Hollande s’était montré favorable à l’ouverture de la PMA aux couples de même sexe par la voix de sa représentante George Pau-Langevin” en charge des questions sociétales. Celle-ci avait clairement annoncé, à l’occasion d’un débat organisé par l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), que le candidat socialiste à l’Elysée “proposera un élargissement des conditions permettant d’accéder à la PMA”. “Que les gens soient mariés, pas mariés, hétéros ou homos, pour nous ce n’est pas ça qui compte, mais on souhaite qu’il y ait un projet parental organisé, quelque chose de stable”, avait-elle déclaré en février dernier.
Aujourd’hui le projet de loi de Christiane Taubira ne prévoit pas l’élargissement de l’accès à la PMA. Un rétropédalage qui nuance le “droit à l’égalité” tant clamé par le parti au pouvoir. Pour Bernard Gachen, président de Les Bascos, “si on fait une exception ce n’est plus de l’égalité”. S’il convient que cette décision est “une avancée historique”, le fait que “l’engagement ne soit pas totalement tenu signifie que nous n’avons pas le droit aux mêmes procédures”.
Une chose après l’autre
Pour Colette Capdevielle, députée socialiste du Pays Basque, ce projet de loi est déjà une “véritable révolution”, “un pas de géant” pour ce cadre institutionnel “très lourd et très solennel” qu’est le mariage. Mais la question du droit au mariage est une “réforme du droit de la famille”, tandis que la PMA “relève du domaine médical” tempère Colette Capdevielle. Même son de cloche du côté de Sylviane Alaux qui pense que “ce côté restrictif ne doit pas occulter l’énorme avancée faite”. Ceci dit, la députée socialiste “comprends l’impatience” des militants “après tant d’années d’attente”. Pour Colette Capdevielle, la PMA c’est de “la bioéthique, il faut être très prudents”. Or, le débat sur la bioéthique, c’est précisément ce que veut éviter l’association Les Bascos. “On ne veut pas dévier vers un débat trop large et n’aboutir à rien” explique Bernard Gachen.
Loi “à minima” présentée dans La Croix qui a le don de contrarier les militants LGBT. Un coup de sang auquel s’ajoute une inquiétude. “Ce refus d’ouvrir la PMA ne doit-il pas être interprété commune une concession faites à tous les conservatismes notamment religieux ?” s’interroge l’association Les Bascos. En effet, le choix du quotidien catholique pour présenter ce projet de loi en exclusivité lui paraît bien troublant.
L’inter-LGBT qui rencontrait la ministre hier soir parle même de “lobbying des hiérarques catholiques” et pointe du doigt le cardinal André Vingt-Trois qui a déclaré dans Le Figaro qu’il allait “rencontrer Christiane Taubira pour la seconde fois la semaine prochaine, à la demande de la ministre”. Des contacts, espère Mgr Vingt-Trois, qui “peuvent être de nature à infléchir le contenu de ce projet de loi”.
Pour la députée Capdevielle, l’interprétation est toute différente. “C’est fort d’aller annoncer le droit au mariage et à l’adoption pour tous dans La Croix”.